Rued Langgaard (1893-1952)

De Bendt Viinholt Nielsen






La redécouverte d'un outsider

Rued Langgaard constitue un chapitre à part dans l'histoire de la musique danoise: solitaire, visionnaire, idéaliste intransigeant en suspens entre romantisme et modernisme. Jeune, il a produit des œuvres en avance de 50 ans sur son époque, et dans sa maturité, des œuvres en retard d'au moins autant. A l'origine de ce paradoxe, une trajectoire artistique tragique: Langgaard, qui avait tout donné à la musique, s'est retrouvé, bien malgré lui, mis à l'écart par le milieu artistique danois. Il n'a obtenu aucun poste important dans la vie musicale, n'a reçu aucune commande et n'avait pas d'élèves. La moitié seulement de ses œuvres a été jouée de son vivant, la plupart une fois seulement - avec, presque toujours, sa participation comme musicien ou chef d'orchestre. Après sa mort, sa musique est tombée dans l'oubli. Seule est demeurée l'histoire d'une personnalité à part.

La situation a commencé à changer en 1968, lors de la parution d'une histoire de la musique nordique rédigée par le musicologue suédois Bo Wallner, dans laquelle Langgaard était mis en relief et judicieusement caractérisé par le terme "outsider extatique". La même année, Sfærernes Musik (Musique des Sphères, 1916-18) est jouée pour la première fois depuis 1922. C'est cette œuvre qui a fait dire - avec un clin d'œil - à l'un des compositeurs les plus importants de notre temps, György Ligeti, qu'il était un "épigone de Langgaard". Dans Musique des Sphères, Langgaard a précisément, et d'une façon étonnante, devancé la musique novatrice composée par Ligeti vers 1960. Cette découverte, en même temps que le renouvellement de l'intérêt envers Bruckner et Mahler dans les années 60, a contribué à placer Langgaard sous le feu des projecteurs, faisant progressivement connaître, depuis, sa production d'une extrême variété, en particulier par des émissions à la Radio Danoise ainsi que des enregistrements de disques et de CD avec la participation de musiciens danois.

En 1993, à l'occasion des 100 ans de la naissance de Langgaard, sa vie, sa trajectoire artistique et sa production ont fait l'objet de deux livres; ses 16 symphonies ont été enregistrées sur un ensemble de 7 CD, attirant une certaine attention au niveau international. Le problème principal, ensuite, résidait dans le fait que la majeure partie de ses 400 œuvres au moins n'avait jamais été publiée, obligeant musiciens et chefs d'orchestre, dans une large mesure, à déchiffrer des photocopies de partitions écrites de la main du compositeur, et souvent difficilement lisibles. En 1998 cependant, un accord a été conclu prévoyant une publication continue de ses œuvres sur une longue période. Ce qui devrait résoudre le problème de la diffusion de la musique de Langgaard au niveau international, une musique particulière, suggestive et souvent fascinante dans son originalité.


 





Du romantique amoureux de la nature au visionnaire apocalyptique

Rued Langgaard grandit dans le Copenhague bourgeois. De parents tous deux pianistes - son père s'occupait même de philosophie musicale -, enfant unique au talent musical naturel, le jeune garçon dispose des meilleures conditions. Les résultats se font sentir très vite: à 11 ans, il débute comme organiste et improvisateur expérimenté à Copenhague; en 1908, à l'âge de 14 ans, il voit sa première composition créée en concert. Il prend des cours particuliers de solfège et d'harmonie, mais doit s'intituler autodidacte en composition. A l'adolescence, dans les années 1908-1913, il trouve une importante inspiration musicale dans ses voyages à Berlin. Il entre en contact avec l'Orchestre Philharmonique de Berlin, qui donne en 1913 un concert entièrement consacré à Langgaard sous la direction du chef Max Fiedler, alors célèbre. C'est un grand jour pour le jeune compositeur, âgé de 19 ans seulement. Mais cet évènement se révèle être le point culminant de sa carrière. Le début de la Première Guerre Mondiale, l'année suivante, exclut pour lui toute possibilité de percer sur le plan international, et le milieu musical danois se montre singulièrement réservé et sceptique envers le talentueux jeune compositeur. Les concerts sont rares, et les œuvres les plus ambitieuses de Langgaard - sa symphonie no 1 (créée à Berlin), la musique de scène Sinfonia interna, Musique des Sphères, la symphonie no 6 et l'opéra Antikrist (L'Antéchrist ) - demeurent soit injouées, soit critiquées par la presse et le public danois. Langgaard a cependant un peu plus de chance au début des années 20, où plusieurs de ses pièces d'orchestre sont présentées en Allemagne et en Autriche: le public de Karlsruhe, en particulier, se montre plus réceptif, et Musique des Sphères, ainsi que la symphonie no 6, y sont créées avec succès.

Les premières compositions de Langgaard sont écrites dans un esprit post-romantique et portent la marque de Schumann, Wagner et Richard Strauss. Le langage en est optimiste, il tend vers la beauté et exprime l'harmonie de l'âme humaine avec la nature ainsi qu'une recherche exaltée du divin - en accord avec la pensée musicale du père de Rued Langgaard, inspirée de téosophie et de symbolisme, qui devint le principal point de repère artistique et idéologique du fils. La symphonie no 4 Løvfald (Défeuillaison ), nettement plus personnelle et de caractère mélancolique, composée par Langgaard en 1916, à 22 ans, marque le premier tournant dans le développement artistique si original du compositeur. La dissonance, l'expressivité s'y font entendre, tandis que l'imagination sonore de Langgaard s'épanouit, notamment dans la suite minimaliste pour piano Insektarium (1917), où, pour la première fois sans doute dans l'histoire de la musique, le compositeur demande au pianiste de frapper sur le couvercle du piano et de toucher les cordes directement avec les doigts. Dans le quatuor à cordes no 2 (1918), une locomotive se trouve représentée par une musique mécanique 'futuriste' (plusieurs années avant le célèbre Pacific 231 de Honegger), tandis que dans Musique des Sphères (1916-18), les 'quatrième' et 'cinquième' dimensions de la musique, spatiale et intemporelle, sont étudiées d'une façon extrêmement originale. Par example, la notion d'espace doit ici se comprendre au sens le plus littéral, l'orchestre étant divisé en un groupe de moindre dimension (avec voix soliste), placé à distance, et un groupe principal avec chœur et orgue (ainsi qu'un piano, dont les cordes doivent être frappées uniquement par les doigts).

Les années 1916-1924 constituent la période 'moderniste' de Langgaard, et artistiquement parlant la plus fructueuse de sa carrière. Malgré ses rapports plus qu'ambivalents avec le compositeur danois le plus en vue de l'époque, Carl Nielsen (1865-1931), qui régit la musique moderne au Danemark, Langgaard suit le mouvement - à sa façon. La confrontation entre forces 'constructrices' et 'destructrices' devient le thème principal de sa musique, notamment dans sa symphonie no 6 Det Himmelrivende (Ravissement, 1919-20, rév. postérieurement), qui constitue une sorte de pendant à la symphonie no 4 de Carl Nielsen, Det Uudslukkelige (L'Inextinguible ). Mais Langgaard, dans sa symphonie en un seul mouvement, se montre plus radical, et l'œuvre fait penser, par certains passages polyphoniques, à la musique - postérieure - de son contemporain Paul Hindemith.

Rien d'étonnant à ce que la musique du compositeur, engagé du point de vue religieux, - et dans les années qui suivent la Première Guerre Mondiale -, soit associée à des thèmes d'apocalypse: sa sonate pour violon Den store Mester kommer (Le grand Maître vient, 1920-21), sa sonate pour piano Afgrundsmusik (Musique d'abîme, 1921-24) et surtout son unique opéra, L'Antéchrist (1921-23, remanié entre 1926 et 1930). Ces œuvres sont conçues par Langgaard dans la perspective d'une société idéale future fondée sur une communauté de la religion et de la musique. Là, l'Eglise et l'Art doivent être égaux en tant qu'intermédiaires du religieux, accordant enfin aux artistes une position reconnue à l'intérieur de la société. L'Antéchrist est un drame musical allégorique pétri de morale religieuse, qui traite de "notre temps", de la décadence de la civilisation occidentale, du déclin spirituel et de la perdition. Le compositeur en a lui-même écrit le livret, de caractère biblique, sombre, expressionniste, et parfois satirique et grotesque. L'œuvre constitue l'aboutissement des aspirations antérieures de Langgaard, et de larges passages de Musique des Sphères et de la symphonie no 6 se retrouvent dans la musique composite de l'opéra, dont le dénominateur stylistique commun est, plus de moins Richard Strauss. Le Théâtre Royal refusa de le monter, et la première interprétation complète eut lieu en 1980, à la radio danoise. Six ans plus tard, il est donné en version de concert et enregistré à Copenhague, et il faut attendre 1999 pour qu'il soit représenté sur scène - à Innsbruck.


 





Du néo-romantisme à l'absurdité

A partir de 1925, la musique de Langgaard évolue radicalement. Il s'agit sans doute là d'un des changements de style les plus affirmés que l'on connaisse chez un compositeur. A la frontière se situe le rageur quatuor à cordes no 3 (1924), qui par moments rappelle Bartók mais renferme en même temps une prise de distance ironique par rapport à la 'musique moderne' (une attitude que l'on retrouve dans la symphonie no 6 de Carl Nielsen, contemporaine de ce quatuor). Les nouvelles œuvres de Langgaard - la sonate pour piano n° 1, le quatuor à cordes no 5 et la symphonie no 7 - sont des pastiches néo-romantiques en quatre mouvements, écrits dans un langage volontairement anonyme qui prend comme modèle, notamment, Niels W. Gade (1817-90). Cette réaction concorde avec la tendance de certains compositeurs de l'époque à se tourner vers le néo-classicisme, tandis que d'autres se ralliaient à ce que l'on a appelé le "néo-réalisme". L'idéal de Langgaard devient alors la pureté classique, une musique simple qui, tel un marbre grec, se maintient au-dessus du besoin d'expression personnel du compositeur, ou de ses conceptions philosophiques. Au milieu du tumulte des années 20, Langgaard ne parvient pas à continuer dans la voie de l'expressionnisme, qui témoigne de façon complexe des conflits psychologiques et religieux. Mais sa mission à travers ces œuvres ne réussit pas non plus, puisque ses visions et son message ne lui rapportent pas le moindre succès artistique sur le sol danois.

Ce changement de style marque le début de vingt années 'maigres' de la production de Langgaard, au cours desquelles les conflits, tant extérieurs qu'intérieurs, se renforcent. Du vivant de Carl Nielsen, Langgaard se met à critiquer la position esthétique souveraine de celui-ci dans la musique danoise. Il se sent trahi par son époque, et sa vie, dans les années 30, prend un tour tragique. Il souhaite désespérément obtenir un poste d'organiste dans une église; personne toutefois ne consent à l'embaucher, et presque aucune de ses œuvres n'est jouée. Ce dédain se trouve renforcé par l'attitude pathétique et les allures de martyr publiquement adoptées par Langgaard. L'épuisant combat pour la reconnaissance prend la première place et influence son œuvre, qui prend de plus en plus le caractère d'un commentaire, d'une protestation contre le point de vue artistique dominant, alors fonctionnaliste et anti-romantique. De toute la période 1925-1944, il n'y a que la fantaisie pour piano Flammekamrene (Les Chambres de flammes, 1930-37) et la trilogie pour orgue, Messis (Høstens Tid) (Messis, le temps de la récolte, 1935-37), d'une durée de deux heures, qui émergent. Messis constitue par contre une œuvre majeure dans la production de Langgaard. Utilisant généreusement tout le registre expressif romantique, c'est une recomposition d'atmosphères provenant de l'enfance du compositeur. Elle est fondée sur la croyance de Langgaard en un âge d'or spirituel et artistique incarné par les années 1900 - période qui porte en elle, inévitablement, sa propre destruction: les bouleversements culturels du XXème siècle. Dans cette dualité, Langgaard trouve un lien entre la musique de l'époque en question et le destin de l'homme. Il trouve, en plus, une clé pour 'la musique du futur', toute création musicale sérieuse devant nécessairement partir du mode d'expression romantique.

En 1940, à 47 ans, Langgaard obtient enfin son premier et unique emploi permanent: un poste d'organiste de la cathédrale de Ribe, dans le sud du Jutland, où il va vivre avec sa femme Constance. Le conseil paroissial et l'assemblée des ouailles de la petite ville de province se heurtent à bien des difficultés dans leurs rapports avec Langgaard, qui agit parfois de façon provocante et ne supporte pas la moindre ingérence dans son domaine réservé: la musique de messe à l'église. La productivité artistique de Langgaard augmente à nouveau progressivement, et c'est à Ribe qu'il compose, entre autres, ses huit dernières symphonies, dont il parvint à entendre deux en concert, les no 9 et 10. Elles furent toutes deux données, en studio, à la Radio Danoise, que Langgaard bombardait de sollicitations et qui, en réponse, lui accorda une certaine attention. La radio constituait en effet sa seule possibilité réelle d'atteindre le public, et sa réaction à l'annonce du rejet d'une de ses œuvres était très émotionnelle, comme si, à chaque fois, toute sa souveraineté et son originalité artistique se trouvaient désavouées.

Vers la fin de la guerre, l'isolation dans laquelle Langgaard avait fini par vivre commence à avoir des conséquences artistiques inattendues. Des traits bizarres, absurdes et contradictoires ajoutent à sa musique des dimensions nouvelles, et le côté improvisé et excentrique se renforce. Après la symphonie no 10 Hin Torden-Bolig (Cette demeure du tonnerre, 1944-45), d'une belle inspiration, les nouvelles tendances apparaissent dans la symphonie no 11 Ixion (1944-45): un seul thème - et quatre tubas supplémentaires qui, à la fin de cette composition d'une durée de six minutes seulement, jouent un rôle 'd'antisolistes'. La symphonie suivante également, no 12, de grandes dimensions mais d'une durée tout aussi courte, met le genre symphonique à dure épreuve. Elle se dissout rapidement en épisodes fragmentés et le manuscrit s'achève brutalement sur les mots: "Amok! Un compositeur explose". L'œuvre, difficile, autobiographique, exprime l'impuissance - elle s'aventure au-delà du 'permis', et du point de vue artistique, tente un saut sans filet. Dans d'autres également de ses dernières pièces, Langgaard va jusqu'au bout: sa musique, qui cherchait si passionnément à fournir des réponses, commence soudain à s'interroger sur son propre sens. Dans la sonate pour piano Le Béguinage (1948-49), des attitudes à la Schumann se trouvent confrontées à des forces 'négatives' dans un style quasi autodestructeur, proche du collage, ambigu, qui évoque l'avant-garde des années 70 et renferme des éléments propres à l'absurde du théâtre musical. Ce que nous entendons là, c'est la lutte de la beauté romantique pour survivre dans la réalité d'un XXème siècle morcelé, privé de sens.

L'apocalypse inspire à nouveau Langgaard dans sa pièce pour orgue Som Lynet er Kristi Genkomst (Le retour du Christ est comme l'éclair, 1948), ainsi que dans sa symphonie no 15 Søstormen (Tempête sur mer, 1949). A l'inverse, la musique céleste est incarnée par des œuvres en majeur, d'une simplicité quasi démonstrative, telles les symphonies no 13 Undertro (Croyance aux miracles, 1946-47) et no 14 Morgenen (Le Matin, 1947-48), qui, stylistiquement, ne dépassent pas de beaucoup Tchaïkovsky, mais témoignent tout à fait d'autre chose quant au concept et à la puissance de la formulation. La seconde des deux symphonies contient d'ailleurs l'un des plus beaux mouvements pour cordes de toute la musique danoise, au titre évocateur: Upåagtede Morgenstjerner (Etoiles du matin négligées). La dernière grande composition achevée par Langgaard, la pièce pour chœur Fra Dybet (Des profondeurs) - son propre requiem -, accole une marche brutale, sorte de Dies irae rappelant Chostakovitch, à une musique de l'au-delà. Par cette dernière œuvre, Langgaard confirme que le combat de 'l'anéantissement' et de la 'beauté' est le thème fondamental de sa musique.


 





Symbolisme musical

Langgaard est un compositeur déroutant qui abolit les idées reçues sur l'évolution de la musique au XXème siècle, et dont la destinée, autant que l'art, se placent à côté de l'histoire de la musique 'officielle'. L'originalité futuriste voisine avec des œuvres franchement post-romantiques, avec des surprises excentriques et avec des pastiches parfois difficilement acceptables du point de vue artistique. Langgaard ne souhaitait pas développer un langage musical personnel, original, et il n'a jamais rompu avec la dualité majeur-mineur. L'esprit national ne signifiait rien pour lui. Il a pris librement son bien dans l'héritage international commun et s'est emparé tranquillement de clichés ou de références à la musique d'autres compositeurs afin de les utiliser dans ses propres œuvres. Ces emprunts, en particulier aux romantiques, s'opèrent à travers un mélange de conscience des styles et de déférence religieuse que souligne encore l'affectation, la théâtralité et le jusqu'au-boutisme de sa musique. On trouve des traits semblables chez Mahler, ainsi que dans le post-modernisme.

N'oublions pas non plus les conceptions si peu conventionnelles de Langgaard quant à la forme, au temps et à l'espace. Une grande partie de sa musique symphonique ressemble à du post-romantisme d'après Wagner, sans renfermer toutefois, la plupart du temps, les caractéristiques de cette époque - développement organique, progressions dynamiques et largeur - comme chez Bruckner, Mahler ou Richard Strauss. Car Langgaard appartient à la génération de Prokofiev et de Hindemith, en quoi il ne représente pas seulement un anachronisme, mais aussi une constante réaction originale aux défis existentiels et musicaux du XXème siècle. Facteur plus important encore, car régissant son activité artistique, l'attitude anti-académique de Langgaard lui permit d'accepter les poussées irrationnelles de son inspiration.

L'intérêt renouvelé pour le symbolisme de la fin du XIXème siècle et du début du XXème, auquel Langgaard se réfère à travers presque toute sa production, a contribué à approfondir aujourd'hui la compréhension de l'univers de ce compositeur, avec ses contradictions et ses valeurs subjectives. Ces tendances symbolistes se prolongent fort avant dans le siècle, nous permettant de relever des points communs entre Langgaard et des personnalités aussi diverses que Scriabine (1872-1915), Messiaen (1908-92) et Arvo Pärt (né en 1935). Pour ces compositeurs, la musique devient une sorte de programme religieux et de relais 'mystique' entre l'homme et la dimension spirituelle de l'existence. En ce qui concerne Langgaard, sa capacité de créer des images, son désir de communication avec autrui et sa profusion en général représentent des qualités qui ne peuvent que souligner cette vision du monde.


© Bendt Viinholt Nielsen, 1998.
Traduction française: Christine Canals-Frau.


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